vendredi 30 juillet 2010

smoky angel




Et mes mains sentent lui

Restons cachés..




encore un peu restons cachés
au loin de tous ces bruits, de ces tuyaux sans fond

laissons les volets clos, ne laissons pas encore rentrer le jour,
pas encore tout à fait
c'est ton ombre
juste là,
et c'est doux
juste bien


au bord du lit tu t'es assis

dans ma bouche



Vous avez un nouveau message...

Benjamin Biolay - Dans ta bouche
Found at skreemr.org

Chut...

Hôtel...





-Pourquoi?
-Parce que.
-Hein?
-Parce qu'une nuit à l'hôtel est une nuit suspendue,
une odeur de draps blancs, craquants, presque trop froids.
Parce que
l’hôtel parfois m’a servi de maison, sans rien de mon passé et habitée pour l’heure de fantômes étrangers.
Parce que souvent aussi j’y ai dressé des tables, fromage doux verres de vin,
rempli des cendriers,
Parce que pressée je voulais retourner ces longs rideaux très moches,
allumer des bougies
pendant que j’l’attendais.

Parce que j’y ai pleuré.

Parce que Jack Nicholson, Polanski et Kubrick y ont vu nos enfers
L’hôtel…
Et notre imaginaire.

Parce que celui du Nord, celui du libre-échange ou bien du terminus. Celui toujours complet, celui qui nous déçoit, celui qui nous réveille
et
Celui qui rappelle quand, au laiteux matin, on a laissé trainer quelques objets désuets…

Celui des road movie, celui d’Paris Texas, celui qui brille encore et qu’on n’peut pas s’offrir.
L’hôtel…
Celui un peu chinois, celui un peu fleuri, celui près du périph et celui sous les toits

Et puis
parce que tout ça.
L’hôtel décale nos vies
Et déforme les images

Et puis aussi
parce qu’une nuit à Paris c’est toujours ça de pris
ce n'est pas moi qui l'dis,
je crois qu'c'est Arletty

prélude à une image...




La nacelle du ballon n’est plus qu’à quelques mètres du sol mais mes cheveux frôlent encore tous les fils électriques. Il y a comme un trouble dans l’air et alors que je perds peu à peu le contrôle de l’engin, je sens une pisse chaude, interminable couler le long de mes cuisses. Une réalité s’enfonce au creux de mon rêve mais je sens bien que tout cela n’est qu’au coeur d’un onirisme toxique, que je vais me réveiller, ma culotte de pyjama inondée et cette odeur persistante, ignominieuse.
je voudrais fuir ce corps qui s’agrippe sans conscience.
j’ouvre les yeux. Je sens bien qu’il fait jour. De ce foutu lit de camp, pliable, gentiment installé rien que pour moi en haut de cet escalier. Peu d’accès aux secrets juvéniles mais ” gardienne de l’étage”.
“Gardienne de l’étage” disait un optimiste.
Je sens bien qu’il fait jour, je le vois qui repousse sa lumière sur les pieds du campement. je le vois qui rampe sous la porte de la chambre de ma sœur.

La maison dort encore.

A ce stade de l’oubli, le matelas est certainement imprégné de toute cette fauve urine mais je n’ose pas bouger, même si le temps presse et que chaque minute passée au fond d’un corps anesthésié par l’odeur alourdit la difficulté de ma tâche dominicale : me hisser hors des draps.

J’ai dix ans et je suis une pisseuse.

La salle de bain n’est qu’au bout du couloir. Sur la pointe des pieds et les jambes écartées comme pour ne pas davantage affronter ce “mouillé”, j’enlève avec l’appréhension d’un matelas maculé le drap housse, simple, une place.
J’entends mon père en bas des escaliers. je pourrais profiter du sommeil familial pour lui dire qu’une fois de plus j’ai pissé.
Mais non.

J’ai dix ans et je suis une pisseuse

Je replie le lit de camp sans rien aérer ni sécher même un peu. Une simple serviette éponge pour frotter.
Cul nu.
assise sur le rebord glacial de la baignoire.

Je me mordille les lèvres pour ne pas rire trop fort
ou pleurer.
je sens l’hospice et j’ai dix ans.

Des séances d’acupuncture aux levers, chaque nuit, toute endormie,
des couches plastiques aux railleries enfantines pissenlit, salade du jour merci,
je pisse.
parfois au bon endroit
mais je pisse.

J’ai dix ans et je suis une pisseuse.

J’entends mon père dans la cuisine. Avec sa femme. Elle est jolie.
Il est très grand, elle, toute petite.
Pigments éphémères qu’il faudra raviver.
Souvent.
Je sens que mon père n’a de réel qu’une matière argileuse trop sèche pour être bien vivante. Argile à modeler pour s'inventer l'enfance.

Je descends les escaliers
J’embrasse ma belle-mère qui me chuchote à l’oreille : “rien de mouillé cette nuit?” Je lui fais signe que “si” mais que tout irait bien, j’avais arrangé ma pudeur.
Elle m’embrasse, l’air de rien et puis elle monte.
Mon père me prend dans ses bras, je crois.
Il sent le chaud. J’aime les mains de mon père, je n’aime pas son odeur.
Odeur d’un rêve de vie oublié sous le quotidien d’un drap trop souillé par le trouble violent. Cette odeur, dans son cou, sur ses mains, l’index paternel jauni par la gauloise sans filtre, lâché trop tôt, deux fois tenu.
Je ne déjeune pas avec lui. Je me recouche dans leur lit aux draps desquels j’apprenais que je t’aime en allemand
c’était “ich liebe dich”.
Et il y a la télévision. Je l’allume sans le son.
Je l’écoute lui, qui crie.

Mon père est une force
c’est une fragilité
mon père est là
mon père n’est plus là
mon père hurle
mon père rigole
et mon père pleure
mon père
celui qui ne m’a rien dit
mon père le suspendu
victime
mon père bourreau
mon père

Il est seul. Moi aussi.
A quoi pense-t-il? Sa musique s’arrête et la porte claque. J’ai bien compris qu’il avait mal. Mais où? A cet endroit qui me retire alors toute liberté de sourire.
Et de rire.
Pellicule invisible qui recouvre la peau.
Et je l’entends hurler. Cette fois-ci la maison se réveille mais personne n’ose descendre. Et je suis dans leur chambre.
Et l’odeur de la nuit et l’odeur et l’odeur et encore et encore et de plus en plus fort. Il parle d’une “folle déchaînée qui ne demande que ça”. je ne suis pas censée comprendre mais la “folle déchaînée” pourrait bien être la femme en rouge d’hier soir.

faire
défaire
coudre
découdre par ces temps suspendus où il ne m’apprend rien. Rien d’autre que ça. Ce “ça” qui fait faille.
Mon père m’apprend l’absence, l’éternité vieille sèche et épuisée.
Mon père m’apprend le deuil, le nerf, la colère et puis la non-contenance
Mon père m’apprend la fragilité
et puis la poésie.



Vingt ans depuis ce dimanche pisseux.
Je n’ai revu mon père qu’à doses homéopathiques.
Je l’ai revu un matin sur les marches du palais de justice.
Il avait mis sa canne de vieux.
Sans l’être.
J’avais mis mon bleu aux yeux, de femme.
Sans l’être.
Deux faux pigments au milieu d’une comédie urbaine.

Nous avons crée du silence
rien d’autre.

Mon père était le premier homme de ma vie
et je l’avais raté


Aujourd'hui TOUT va bien, PAPA est MORT